Scène 1
(Ernestine est seule en scène. Elle passe le plumeau et range quelques affaires sur un petit fond de musique tout en chantonnant).
CHARLES (off)
Nénesse !
ERNESTINE
Ouais !
CHARLES (off)
Où es-tu ?
ERNESTINE
Au salon !
CHARLES (off)
Que fais-tu ?
(Charles entre sur scène en robe de chambre par la porte 2).
ERNESTINE
A ton avis Charlie, qu'est-ce qu'une « bonne » peut bien faire dans un salon quand « Monsieur » attend la venue de sa nouvelle « conquête » ?
CHARLES
Oh ! Je t'en prie, Nénesse, ne joue pas à ça avec moi ! Clara n'est pas ma nouvelle conquête. C'est la femme de ma vie que je compte bientôt épouser.
ERNESTINE
Ouais ouais ouais... Comme les onze précédentes !
CHARLES
Eh bien oui ! Je suis comme ça, moi. Un éternel romantique. Amoureux onze fois, marié onze fois.
ERNESTINE
Et bientôt divorcé douze. Mais c'est bien, mon Charlie, tu avais déjà une équipe de football féminin. Avec la nouvelle, tu commences à avoir des remplaçantes.
CHARLES
Ne te moque pas. Tu sais bien que je ne vis que pour l'amour.
ERNESTINE
Tu es vraiment un cœur d'artichaut ! Tu changes tout le temps. Quand la passion commence à se transformer en routine, tu arrêtes tout et tu passes à autre chose. Tu papillonnes, Charlie, tu papillonnes.
CHARLES
Pour moi, l'amour n'a pas de raison d'être sans passion. La vie est trop courte.
ERNESTINE
Il y a pas que la passion. Regarde, moi. Je suis avec la même personne depuis mes vingt ans, et je l'aime toujours. Seulement, il faut accepter d'être sage avec le temps, et que la passion se transforme en profonde tendresse. C'est ça, l'amour.
CHARLES
Très peu pour moi ! Je m'ennuierais tellement si je n'avais pas sans cesse ces papillons dans le ventre, ce cœur qui bat fort, cette fébrilité permanente, ce bonheur excitant...
ERNESTINE
T'es plus un ado, Charlie. Va falloir mûrir un peu.
CHARLES
C'est un peu tard, à mon âge.
ERNESTINE
Tu fais bien de parler d'âge. La petite nouvelle, elle a combien de moins que toi, tu m'as dit ? 30 ans ?
CHARLES
N'exagère pas ! Elle n'a que 25 ans de moins que moi.
ERNESTINE
Ouais ouais ouais. Moi, je trouve ça bizarre qu'une jeunette s'amourache d'un vieux riche comme toi. Comme on dit, il y a anguille sous cloche.
CHARLES
Sous roche !
ERNESTINE
Si tu veux. Et qu'en pense madame Brigitte ?
CHARLES
Je ne vois pas en quoi l'âge de ma douzième future femme regarde ma onzième ex-femme.
ERNESTINE
Comme ton ex-femme habite encore ici, ça l'intéresse peut-être de connaître celle avec qui elle va partager les lieux. D'ailleurs, ta promise, elle en pense quoi, elle, de cette situation ?
CHARLES
Rien.
ERNESTINE
Rien ?
CHARLES
Je ne lui ai encore rien dit.
ERNESTINE
T'es un lâche, Charlie !
CHARLES
Je t'en prie Ernestine...
ERNESTINE
Ernestine ? Quand tu m'appelles comme ça en privé, c'est que je t'ai piqué au vif.
CHARLES
Ce n'est pas une question de lâcheté, Nénesse. Il faut simplement trouver le bon moment pour en parler. Et je ne l'ai pas encore trouvé.
ERNESTINE
Si tu ne tires pas cette affaire au clair rapidement, ça risque de faire des étincelles.
CHARLES
Mais je n'ai rien à me reprocher. Tu sais bien que j'héberge Brigitte pour la dépanner. Seulement le temps qu'elle trouve un nouveau logement.
ERNESTINE
Ouais ouais ouais... T'es vraiment trop gentil avec elle. Un an que vous êtes divorcés. Et elle est toujours là. Je suis pas sûre que ta Clara va beaucoup apprécier.
CHARLES
J'ai un peu de temps pour préparer le terrain. Brigitte est sur le point de partir quelques jours et Clara n'arrive qu'en soirée.
ERNESTINE
Attention Charlie. Un jour, tes mensonges te perdront.
CHARLES
Ce n'est pas vraiment un mensonge. Clara le sait que j'ai été marié plusieurs fois.
ERNESTINE
Je parlais de madame Brigitte qui est toujours là. Et puis aussi, cette façon qu'on a de se parler. C'est du grand n'importe quoi. On se connaît depuis qu'on est gamins, mais dès qu'il y a quelqu'un avec nous, et vas-y que je te donne du « Monsieur », et que je te dise « vous » !
CHARLES
Mais Nénesse, on fait ça depuis toujours ! Tu ne vas pas tout remettre en cause. Tu sais bien, quand j'ai repris la fortune de mes parents, je t'ai prise comme employée de maison comme tes parents l'étaient pour les miens.
ERNESTINE
Ça n'empêche pas de nous parler normalement.
CHARLES
Les convenances, Nénesse, les convenances ! J'ai une image à conserver, moi !
ERNESTINE
Tu parles, Charles ! J'ai l'impression que tu es Zorro et moi Bernardo.
CHARLES
Je n'ai rien d'un héros masqué, et entre nous, tu es beaucoup plus bavarde que Bernardo.
ERNESTINE
C'est ça, moque-toi ! Je retourne à mon ménage puisque c'est comme ça.
(Elle sort par la porte 3).
CHARLES
Bien, je vais m'habiller.
(Il sort par la porte 2).
Scène 2
(Brigitte entre par la porte 4).
BRIGITTE
Ernestine ? Ernestine ?... C'est pas possible ! Charles ?... Charles ?... Décidément, ce château n'héberge que des fantômes. Il faut tout faire soi-même ici.
(Elle sort par la porte 3. On sonne. Un temps, puis on sonne à nouveau. Un temps, puis Brigitte revient par la porte 3 en portant d'une main un plateau avec une théière et une tasse. Elle ouvre la porte d'entrée à Clara).
CLARA
Je suis bien chez Charles ?
(Clara entre sur scène sans demander la permission).
BRIGITTE
Bonjour.
CLARA
Comment ?
BRIGITTE
Je dis « bonjour ». Quand on parle à quelqu'un, on dit d'abord « bonjour ».
CLARA
Ah ! Heu, si vous voulez. Alors, est-ce que Charles est là ?
BRIGITTE
Je n'ai pas entendu.
CLARA
Quoi ?
BRIGITTE
Le mot magique.
CLARA
(en aparté) Mais où je suis tombée, là ?
BRIGITTE
« Bonjour ».
CLARA
(renfrognée) Bonjour !
BRIGITTE
Voilà ! Bonjour !
CLARA
Alors maintenant, pouvez-vous me dire où est Charles ?
BRIGITTE
Ça dépend. Qui le demande ?
CLARA
On ne vous a pas mise au courant ?
BRIGITTE
Euh... Non !
CLARA
Quelle délicatesse ! Je suis Clara.
BRIGITTE
D'accord... Et ?
CLARA
Je suis la petite amie de Charles.
(Brigitte, sans voix, laisse tomber le plateau).
CLARA
Ça a l'air de vous faire de l'effet.
BRIGITTE
En effet, ça me fait de l'effet.
CLARA
Eh bien vous n'avez plus qu'à aller vous chercher un autre thé. Pour moi, ce sera un café. Je n'aime pas trop le pisse-mémé.
BRIGITTE
Pour qui me prenez-vous ?
CLARA
Eh bien ça saute aux yeux. Vous êtes la domestique.
BRIGITTE
Pardon ? PARDON ?
CLARA
La femme de ménage, si vous préférez.
BRIGITTE
Vous plaisantez ? Vous savez qui je suis ? VOUS SAVEZ QUI JE SUIS ?
CLARA
Ce n'est pas la peine de monter sur vos échasses. (se résignant) Excusez-moi, je ne voulais pas vous vexer.
BRIGITTE
C'est loupé ! Et pour votre gouverne, chère madame, je ne suis pas la femme de ménage de Charles. Je suis son ex.
(Elle tourne les talons et quitte la scène par la porte 4).
CLARA
Eh bien, chapeau ! Je vois qu'on sait recevoir ici. En plus, qu'est-ce qu'elle fiche encore ici si c'est son ex-femme de ménage ?
Scène 3
(Charles entre habillé par la porte 2 et est surpris de voir Clara).
CHARLES
Clara ! Mais que tu fais là ?
CLARA
(renfrognée) Quel accueil ! Ça fait plaisir.
CHARLES
Ne le prends pas mal, ma chérie. C'est juste que je ne t'attendais que ce soir.
CLARA
J'ai pu me libérer plus tôt. Mais ça semble te déranger ?
CHARLES
Mais non, mon cœur, excuse-moi. Allez ! Un petit bisou pour me faire pardonner.
(Il s'approche de Clara avec l'intention de la prendre dans ses bras).
CLARA
Non Charles ! Tu sais bien ce qu'on s'est dit : pas avant le mariage.
CHARLES
Oui ma chérie, mais ça commence à faire long.
CLARA
Alors fixons la date au plus vite. C'est notre deal, Charles ! C'est à prendre ou à laisser.
CHARLES
D'accord ! Je vais demander à mon employée de maison de...
CLARA
(le coupant net) Ton employée de maison ? Ta « domestique » ! Cette espèce de créature sans aucune manière ?
CHARLES
Je préfère employée de maison. Mais qu'est-ce que tu racontes ?
CLARA
A peine je me suis présentée, ton employée a laissé tomber le plateau et n'a même pas daigné le ramasser, ni nettoyer, et m'a très mal parlé.
CHARLES
C'est une personne un peu rustre parfois, mais je suis sûr que vous deviendrez les meilleures amies du monde d'ici peu.
CLARA
Devenir amie avec des domestiques ? Ce n'est pas dans mes plans.
CHARLES
Laissons le temps au temps.
CLARA
D'ailleurs, je ne comprends pas pourquoi tu gardes encore cette personne sous ton toit.
CHARLES
Tu ne voudrais tout de même pas que je congédie mon employée de maison que tu connais depuis à peine dix minutes ?
CLARA
Non, mais toi. (Elle pointe son doigt sur la poitrine de Charles). Toi, tu l’as déjà virée. C'est la seule chose positive que j'ai retenue de notre altercation.
CHARLES
Je ne comprends rien. Passons à autre chose. Alors, ce lieu te plaît-il ?
CLARA
C’est un peu rococo comme bicoque, mais bon…
CHARLES
C’est un manoir, ma chérie. Je l’ai hérité de mes parents. Il appartient à la famille depuis dix générations. Mon aïeul Louis Edmond Peyrat de Bellac était un haut dignitaire de l’armée sous Charles X.
CLARA
OK.
CHARLES
L’histoire ne t’intéresse pas ?
CLARA
Ce qui m’intéresse, c’est pas de savoir d’où tu viens mais de savoir où je vais.
CHARLES
(gêné) Oui… Bon… Où as-tu mis ta valise ?
CLARA
Dehors. Trop lourde, pas pu la porter jusqu'ici.
CHARLES
Je vais la chercher.
CLARA
Demande plutôt à ton « employée de maison ».
CHARLES
Je suis capable de faire des choses par moi-même, tu sais.
(Il sort par la porte d'entrée).
CLARA
(sortant son portable) Louis… Louis Edmond Pey… Bellac… Ah voilà. Louis Edmond Peyrat de Bellac et un général d’armée ayant servi sous Charles X… nanana… nanana… En 1832 il devint propriétaire du château… nanana… nana… Toujours détenu par la famille…
(Charles entre par la porte d'entrée en poussant une énorme valise avec beaucoup de mal. Il fait des efforts bruyants).
CHARLES
Eh bien c’est lourd, très lourd. Ce n’est pas un peu beaucoup pour une nuit sachant que le reste de tes affaires arrive demain par semi-remorque ?
CLARA
Je n’ai pris que le minimum vital.
CHARLES
Sais-tu, mon cœur, qu'il existe maintenant des valises à roulettes ? C'est tout de même plus pratique !
CLARA
J’ai pris une valise raccord avec le cadre.
SCèNE 4
(Ernestine entre par la porte 3).
ERNESTINE
Ah Char… (voyant que Charles n’est pas seul, elle se reprend). Char… Charmée de vous rencontrer, Madame.
(Elle fait une révérence grotesque).
CHARLES
Inutile de trop en faire, Ernestine. Le malentendu est dissipé. N’est-ce pas, chérie ?
CLARA
Pardon ?
ERNESTINE
Oui, je vous demande pardon. Pareil !
CHARLES
(désorienté) Eh bien… Euh… (à Ernestine) Oui Clara te… Vous présente ses excuses et (à Clara) Ernestine les accepte et te présente les siennes en retour. Voilà. C’est réglé !
CLARA ET ERNESTINE
Quoi ?
CLARA
Mais il n'y a rien de réglé du tout !
ERNESTINE
Mais oui, y’a rien de réglé puisqu’il y’a pas de dérèglement.
CHARLES
Je ne comprends pas. Il me semblait que vous étiez parties sur de mauvaises bases.
ERNESTINE
Personne n’est parti sur aucune base.
CHARLES
Clara ! Tu m’as bien dit que tu avais eu une… petite… altercation tout à l’heure avec… (gêné et à mi-voix) ma domestique ?...
ERNESTINE
Pardon ?
CHARLES
Hum-hum… Oui enfin… Avec Ernestine, mon employée de maison
CLARA ET ERNESTINE
Quoi ? Mais on ne se connaît même pas.
CHARLES
(en aparté) Je crois que je vais devenir fou. (à Clara) Clara ! Tu m’as bien dit tout à l’heure que tu avais eu une dispute avec mon employée de maison ?
CLARA
Elle ? C’est ton employée de maison ?
ERNESTINE
Je veux, oui !
CHARLES
Oui, c’est Ernestine.
CLARA
Ton employée actuelle ? Officielle ?
CHARLES ET ERNESTINE
Oui !
CLARA
Ah OK, je comprends. C’est pas avec elle (désignant Ernestine) que j’ai eu des mots. C’est avec l’autre. Ton ex-femme… de ménage. Je vois d’ailleurs pas ce qu’elle fait encore là, si c’est ton ex.
ERNESTINE
(réalisant la méprise) Aaaaaaah... Okaay, je comprends aussi...
(insistant) L'ex-femme... de ménage...
(voyant que Charles ne comprend pas) BRIGITTE !
CHARLES
AH !!! Euh… Oui… Bon… Ernestine, allez montrer sa chambre à Clara.
(Ernestine se dirige vers les valises et tente de les soulever, une fois, deux fois, trois fois, poussant un cri d’effort à chaque fois).
CHARLES
Laissez Ernestine, je m’en occuperai plus tard.
(Elles sortent par la porte 3).
SCENE 5
CHARLES
(à lui-même) Clara a croisé Brigitte et elle l’a prise pour la femme de ménage… Clara a pris Brigitte, mon ex-femme pour la femme de ménage....
(Brigitte entre par la porte 4, Charles ne l’a pas vue)
BRIGITTE
Qu’est-ce que tu marmonnes à mon sujet, mon cher Charles ?
CHARLES
Hein ? Ah Brigitte ! Tu n'es pas encore partie ?
BRIGITTE
Eh non ! Tu connais la SNCF, Charles, toujours un train de retard.
CHARLES
Justement, ne tarde pas. On ne sait jamais.
BRIGITTE
Mon séjour est annulé ! Les contrôleurs ont déclenché une grève surprise illimitée. Je reste donc ici.
CHARLES
Ah ?! Mais… Tu es sûre ? (Brigitte fait oui de la tête). Tu veux que… Tu veux que je t’appelle un taxi ?
BRIGITTE
Inutile ! Finalement, j’ai l’impression que je vais bien m’amuser ici.
CHARLES
Pourquoi dis-tu cela ?
BRIGITTE
J’ai rencontré une charmante demoiselle tout à l’heure.
CHARLES
Ah ?!
BRIGITTE
Tu ne m’avais rien dit, petit cachottier !
(Elle lui pince la joue).
CHARLES
(la joue pincée) Che chuis décholé, che n’ai pas ch’eu le temps de te l’annoncher…
BRIGITTE
Pas le courage, plutôt ! Laisse-moi te dire que je la trouve plutôt jolie...
CHARLES
(réjoui) Aaaah ! Merci ! Je n'en demandais pas temps.
BRIGITTE
Mais déplaisante, arrogante, méprisante, agaçante.... Et un tantinet vulgaire.
CHARLES
(déçu) Ah ! Vous êtes parties sur de mauvaises bases, voilà tout.
BRIGITTE
Que tu n’aies pas eu le courage de m’annoncer que tu avais une nouvelle conquête, soit. A la limite, cela ne me regarde plus. Mais je présume que tu ne lui as pas dit non plus que tu hébergeais ton ex-femme sous ton toit ?
CHARLES
Effectivement.
BRIGITTE
Eh bien, ne t’inquiète pas, je m’en suis chargée !
(Ils se jaugent pendant quelques instants). Ça ne te fait pas plus d’effet que ça ? J’imagine qu’elle a dû exploser de colère, et que tu ne savais plus où te mettre ?
CHARLES
Non !
BRIGITTE
Comment ça, non ?... Ah, je comprends ! Elle te réserve une petite surprise. Les femmes aiment les vengeances froides.
CHARLES
Clara t’a prise pour la femme de ménage.
BRIGITTE
Je sais ! Mais je lui ai balancé direct que j’étais ton ex-femme.
CHARLES
Oui, mais elle croit que tu es mon ex-femme... de ménage.
BRIGITTE
Tu plaisantes ?
CHARLES
Absolument pas, Brigitte.
BRIGITTE
Elle est idiote ou quoi ?
CHARLES
Je t’en prie, reste respectueuse. En attendant, le problème est donc réglé.
BRIGITTE
Pardon ? Mais rien n’est réglé ! (Elle se dirige vers la porte 3). Clara ! CLARA !
(Charles rattrape Brigitte par l’épaule, la ramène dans la pièce).
CHARLES
Brigitte, Clara croit que tu es mon ex-femme de ménage et c’est très bien comme ça. Je te demande donc de jouer le jeu.
BRIGITTE
Tu es sérieux ?
CHARLES
Absolument. Fais-le pour moi s’il te plaît. Clara, c'est un rayon de soleil. Avec elle, je me sens pousser des ailes…
BRIGITTE
STOP ! Je n’ai pas envie d’avoir de détails sur ta vie sentimentale. Je suis et reste ton ex-femme.
CHARLES
De ménage… (sérieusement) D’ailleurs où ai-je mis ta lettre de démission ?
(Il tâte les poches de sa veste). Que je la déchire sur le champ…
BRIGITTE
Qu’est-ce que tu racontes ?
CHARLES
Je te réintègre.
BRIGITTE
(ahurie) Tu débloques, mon pauvre Charles !
CHARLES
(se rendant compte du grotesque de ses propos)
Hein ?... Oui, pardon. Tu as raison, je crois que je commence à perdre la tête.
BRIGITTE
En tous cas, j'exige que la vérité soit immédiatement rétablie.
(Elle se dirige vers la porte 3). Clara ! CLARA !
(Charles rattrape Brigitte par l’épaule, la ramène dans la pièce).
CHARLES
Brigitte. Je ne vais rien rétablir du tout. Tu vas rester mon ex-femme de ménage... Pour le moment. C'est une question de jours. Ce sera plus simple pour tout le monde.
BRIGITTE
Il en est hors de question !
(Brigitte esquisse un départ vers la porte 3 mais Charles la retient).
CHARLES
Si tu avoues la vérité à Clara, je te chasse de ma demeure.
BRIGITTE
Tu me fais du chantage ?
CHARLES
Ça ne me plaît pas plus que ça, mais je tiens à Clara et je ne veux pas tout gâcher.
BRIGITTE
C’est ta lâcheté qui va tout gâcher, Charles.
(Elle sort en claquant la porte 4).
SCèNE 6
CHARLES
(content de lui) Eh bien voilà une affaire de réglée.
(Ernestine entre par la porte 3).
ERNESTINE
Monsieur, je tiens à dire à Monsieur que Mademoiselle est installée dans la chambre Louis Edmond selon les désirs de Monsieur.
CHARLES
C’est bon Nénesse, nous sommes seuls. De mon côté, je viens de régler le problème de Brigitte.
(Brigitte entre précipitamment par la porte 4).
BRIGITTE
Charles ! Si je suis ton ex-femme de ménage, qu'est-ce que je fais encore ici ? Tu n'as pas pensé à ça, hein !
CHARLES
Oh, tu me fatigues, Brigitte. C'est bon, tu as gagné. Je te reprends.
BRIGITTE
Comme femme ?
CHARLES
De ménage !
BRIGITTE
D'accord, dans ce cas, j’exige d’être payée.
CHARLES
Pardon ? Mais…
BRIGITTE
Il n’y a pas de « mais ». Tout travail mérite salaire. (Elle ramasse la théière, la tasse et la plateau). Tu ne voudrais tout de même pas avoir un contrôle URSSAF sur le dos ? Sur ce, je vais faire la vaisselle. Vous êtes témoin, Ernestine !
(Elle sort par la porte 3).
CHARLES
Mais…
ERNESTINE
Eh bien mon pauvre Charlie je crois que tu es pris à ton propre piège.
(Charles regarde Ernestine avec insistance). Ah non ! Ne me dis pas que tu vas me remplacer par cette… Cette… Elle n’a aucune expérience !
CHARLES
Mais non, Nénesse, ne t’inquiète pas. Pour moi, tu seras toujours ma seule et unique femme… de ménage !
(Ils rient. Brigitte entre à nouveau par la porte 3).
BRIGITTE
J’ai pensé, mille cinq cents euros nets par mois, logée, nourrie, blanchie, c’est convenable non ? Ça compensera la pension alimentaire que tu ne m’as jamais versée.
CHARLES
Pardon ?... Mais il n’est pas question que…
BRIGITTE
Si justement, il en est question. Je suis ton employée, n’est-ce pas Ernestine ?
ERNESTINE
Euh…
CHARLES
Reste en dehors de tout ça, Nénesse… (à Brigitte) Brigitte, je t’héberge à titre gratuit, depuis notre divorce...
ERNESTINE
(de connivence avec le public) Un an, c'est long...
CHARLES
Par compassion !
BRIGITTE
Eh bien justement ! Nous allons passer de « compassion » à « compensation ».(détachant bien les mots) Mille / cinq / cent / euros / nets / nourrie, logée, blanchie. Sinon… le Fisc !
ERNESTINE
Eh ben ! Elle est gonflée, la Brigitte ! Autant donner de la pourriture à des cochons !
BRIGITTE
De la confiture.
ERNESTINE
De la confiture ? Si vous voulez mais ce serait du gâchis !
BRIGITTE
C'est bien tout le sens de l'expression.
(Brigitte sort par la porte 4).
ERNESTINE
Et qu’est-ce que je deviens, moi ? Dans la famille on est employés de maison au service des de Bellac de génération en génération.
CHARLES
Eh bien… Tu... Tu seras sa responsable.
ERNESTINE
Waouh ! Je deviens manageuse ? C’est bien ça, manageuse. (mimant un serrage de mains) Bonjour Je suis manageuse… Qu’est-ce que vous faites dans la vie ? Je suis manageuse… Génial. Je vais superviser le travail de ma nouvelle subordonnée.
(Elle sort par la porte 4).
CHARLES
Pfff !!! Quelle histoire.
(Ernestine revient par la porte 4).
ERNESTINE
Par contre…
CHARLES
(en colère) QUOI ENCORE !!!
ERNESTINE
Eh doucement, mon ami.
CHARLES
Pardonne-moi, je suis un peu nerveux.
ERNESTINE
Ce n’est pas bon pour ton cœur. Ton médecin te l’a dit.
CHARLES
Je sais.
ERNESTINE
Je pensais juste que si j’étais devenue manageuse, il faudrait peut-être m’augmenter un peu. Histoire que je gagne un peu plus que Brigitte. Disons… Mille huit cents euros nets par mois...
CHARLES
PARDON ?!!!
ERNESTINE
Logée, nourrie, blanchie.
CHARLES
Mais tu délires ma pauvre Nénesse ?
ERNESTINE
Je trouve que ce serait normal.
CHARLES
C'est pour toi comme pour Brigitte, je t’ai nommée manageuse le temps que toute cette histoire s’arrange.
ERNESTINE
Travailler pour la gloire, je ne trouve pas ça très fun, moi ! Réfléchis-bien à ma proposition. On en reparle.
(Elle sort par la porte 4).
CHARLES
Mais c’est qu’elle est sérieuse en plus ! Elles vont me rendre fou !
SCèNE 7
(Clara entre par la porte 3).
CHARLES
Ah ! ma petite Clara, mon petit rayon de soleil, tu es bien installée ?
CLARA
Ça va. La déco de la chambre n’est pas terrible et le portrait du vieux militaire me fait peur. Il a un regard lubrique
CHARLES
C’est mon ancêtre et c’est un vieux manoir, tu sais. Il est décoré comme tel. Mais si tu veux, lorsque tu auras pris définitivement possession des lieux, on pourra reparler de la déco.
CLARA
Oui, oui… Au fait, où est ta chambre ?
CHARLES
Tu veux dormir avec moi ? Tu as changé d’avis ?
CLARA
Non ! C’est juste pour savoir.
CHARLES
Premier étage en haut de l’escalier couloir gauche. Tu sais, j’ai une grande suite parentale pour moi tout seul.
CLARA
Une suite parentale ? Pour quelqu’un qui n’a jamais eu d’enfant, c’est bizarre non ?
CHARLES
C’est vrai, je n’avais jamais fait attention à ça. On pourrait la rebaptiser en suite « conjugale ».
CLARA
Après le mariage, Charles, après le mariage…
CHARLES
Oui tu as raison. Ne précipitons pas les choses. Mais tu sais, le temps passe vite, et j’aimerais profiter de toi au maximum.
CLARA
Profite, Charles, profite… En attendant, tu me fais visiter ton manoir ?
CHARLES
Avec plaisir, mon cœur.
(Ils sortent par la porte 2).
SCèNE 8
(On sonne).
ERNESTINE
(arrivant de la porte 4) Voilà voilà, j'arrive...
(Ernestine ouvre la porte d'entrée à Jacqueline. Elle a le visage défait, une robe de mariée très sale et déchirée, et une coiffure à moitié terminée – ça peut être une couleur d'un seul côté, ou bien une perruque avec les cheveux à moitié coupés).
Ah ben ça alors ! Je veux bien être pendue ! Jacqueline, ça fait une éternité !
JACQUELINE
Ernestine... Quel plaisir de vous voir.
(Elle s’effondre en larmes).
ERNESTINE
Qu'est-ce que vous venez faire ici, Jacqueline ? Vous avez pas bonne mine. (Elle renifle).
Et puis, c'est quoi, cette odeur ? On dirait que vous avez passé la nuit au fond d'une poubelle restée en plein soleil.
JACQUELINE
Ah, si vous saviez !
ERNESTINE
Bah justement, je sais pas. Racontez voir.
JACQUELINE
Aujourd'hui, c'était notre mariage, avec Robert.
ERNESTINE
Ah le fameux Robert... Spécial, le garçon. Mais comme on dit, il faut de tout pour faire la ronde.
JACQUELINE
(sanglotant) Pour faire un monde !
ERNESTINE
Si vous le dites... Alors, qu'est-ce qui s'est passé à ce mariage ?
JACQUELINE
Ce matin, j'ai mis ma robe de mariée, et je suis allée chez la coiffeuse pour me faire une beauté pour la mairie.
ERNESTINE
(regardant Jacqueline étrangement) Vous me donnerez l'adresse du salon pour que j'y aille pas.
JACQUELINE
La coiffeuse n'avait même pas fait la moitié de son travail quand j'ai reçu un texto de Robert.
ERNESTINE
Il disait quoi, ce texto ?
JACQUELINE
Qu'il me quittait !
ERNESTINE
Quoi ? Juste avant le mariage ? Mais pourquoi ?
JACQUELINE
Il a rencontré l'amour de sa vie. Il ne veut plus m’épouser.
ERNESTINE
Une rupture par texto. La grande classe, le Robert...
JACQUELINE
Il n'a jamais eu beaucoup de courage, mon Robert.
ERNESTINE
Vous avez peut-être mal lu. (Jacqueline sort le téléphone de son décolleté et le montre à Ernestine). Au temps pour moi, vous avez bien lu. Ce n’est peut-être pas perdu, il a peut-être juste eu peur avant le mariage. Vous avez essayé de lui parler directement ?
JACQUELINE
Évidemment ! J’ai essayé de le rappeler. Le numéro n’était plus attribué. Alors j'ai quitté le salon de coiffure en courant pour rentrer chez nous.
ERNESTINE
Alors c'est ça, la coiffure rock and roll ?
JACQUELINE
Quand je suis arrivée chez nous, il avait déjà changé toutes les serrures !
ERNESTINE
Ah... C'était peut-être pas un coup de tête, finalement... Vous avez fait quoi alors ?
JACQUELINE
J'ai erré dans les rues. Je ne savais plus quoi faire. J'étais anéantie.
ERNESTINE
Ça devait être beau, le bal de la mariée célibataire dans les rues. Comment vous avez fait pour venir jusqu’ici ?
JACQUELINE
Comme je n'avais rien sur moi, pas de papier, pas d'argent, juste mon téléphone dans mon décolleté, j'ai fait de l'auto-stop.
ERNESTINE
Ouh la ! Mais c'est très risqué, ça, de nos jours !
JACQUELINE
À qui le dites-vous ! J’ai d'abord été prise par quatre jeunes dans une Twingo. On était serrés comme des sardines.
ERNESTINE
En plus, avec la robe de mariée, ça aide pas.
JACQUELINE
Là, ils ont voulu me retirer ma jarretière ! Vous vous rendez compte ? Une dame de mon âge ! En plus, il y avait mes clés de maison accrochées à ma jarretière !
ERNESTINE
En même temps, comme les serrures ont été changées, elles servent plus à grand-chose, les clés.
JACQUELINE
J'ai hurlé si fort que le pare-brise de la Twingo s'est fissuré. Alors, ils se sont arrêtés et ils m'ont jetée dehors !
ERNESTINE
Ma pauvre, ça a dû être un choc.
JACQUELINE
Oh ! Pas trop dur, le choc. Je ne suis pas tombée sur la route, mais dans le fossé. Ça fait moins mal.
ERNESTINE
Et ensuite ?
JACQUELINE
Ensuite, c'est un agriculteur qui m'a prise sur son tracteur.
ERNESTINE
Il vous a prise sur son...? Mais c'est dégoûtant !
JACQUELINE
Non ! Je veux dire qu'il m'a emmenée. Mais il n'y avait qu'une place dans la cabine, alors j'ai dû monter dans la remorque.
ERNESTINE
Oh la la ! Ça devait pas être très confortable.
JACQUELINE
C'est sûr ! D'autant que sa remorque était pleine de fumier !
ERNESTINE
Alors c'est donc ça, l'odeur ?
(Jacqueline pleure de plus belle).
JACQUELINE
J’ai poursuivi mon chemin avec un commercial qui fumait le cigare et qui prenait ma robe pour un cendrier. Puis j’ai terminé sur le porte-bagage d’une mobylette accrochée à un ado qui n'avait pas dû prendre de douche depuis plus de six mois. Je suis usée !
(Elle s’affale dans un fauteuil).
scène 9
(Charles entre par la porte 2 sans voir Jacqueline. Il renifle).
CHARLES
C’est quoi cette odeur ? Nénesse, tu n'as pas vidé les poubelles ?
(Ernestine fait des grands gestes pour attirer l’attention de Charles sur Jacqueline).
CHARLES
Jacqueline ? Non... C'est toi ? Jacqueline ?
JACQUELINE
Oui, c'est bien moi.
CHARLES
(à Ernestine) C'est Jacqueline, ça ?
ERNESTINE
On dirait bien.
CHARLES
Que fais-tu là ? Tu n'es pas à ton mariage ?
JACQUELINE
Robert m'a quitté juste avant !
CHARLES
Le salaud ! Je savais qu’on ne pouvait pas faire confiance à ce type.
ERNESTINE
Moi aussi je savais !
JACQUELINE
Moi, je savais pas...
ERNESTINE
Oui, elle, elle savait pas.
CHARLES
Mais pourquoi es-tu dans cet état ? Raconte-moi tout.
JACQUELINE
(fondant en larmes) Oh non ! J'ai déjà tout dit à Ernestine. Je ne vais pas recommencer...
ERNESTINE
Oui c’est vrai ça, c’est assez pénible, elle va pas tout répéter.
CHARLES
(à Ernestine) Alors racontez-moi, Ernestine. En bref.
ERNESTINE
Si Monsieur insiste. Mais vraiment en bref, hein ! Donc si je résume, mariage, coiffeur, texto, rupture, changement de serrure, auto-stop, jarretière, fumier, cendrier, ado crado. Voilà !
CHARLES
(après un temps) Je n'ai pas compris grand-chose. Qu'est-ce que je peux faire pour toi, Jacqueline ?
JACQUELINE
Mon Charlie, je n'ai nulle part où aller et je suis au bout du rouleau. Est-ce que je pourrais rester quelques jours chez toi ?
CHARLES
Ça aurait été avec plaisir, mais c’est un petit peu difficile en ce moment. J'héberge déjà Brigitte depuis quelques mois et…
JACQUELINE
(joyeuse) Brigitte est là ? (Elle fond en larmes). Ça me fera plaisir de la revoir !
CHARLES
Je ne peux pas toutes vous héberger... Ce n’est pas l’Armée du Salut ici !
JACQUELINE
Tu as assez de chambres, pourtant.
CHARLES
Ce n'est pas la question.
JACQUELINE
Si, c'est la question ! Je t'en supplie Charlie, aide-moi ! Je suis à bout. Je n'ai pas d'endroit où dormir et je sens que si je reste seule, je vais faire une bêtise !
CHARLES
Oh non ! Tu ne vas pas recommencer ! Rassure-moi, tu prends toujours tes anti-dépresseurs ?
JACQUELINE
J'ai arrêté. Depuis qu'on prépare le mariage. S'il te plaît, aide-moi, Charlie !
(Elle tombe à genoux et s’accroche aux jambes de Charles). Aide-moi !
CHARLES
C'est d'accord ! C'est d'accord ! (à Ernestine) Il faut qu'on trouve quelque chose pour Clara. Il ne faut pas qu'elle découvre que j'ai une deuxième ex-femme ici.
Jacqueline
(oubliant sa déprime et sur un ton sec) Qui est cette Clara ?
CHARLES
Ma future épouse.
JACQUELINE
Ta future épouse ?
CHARLES
Oui, depuis quelques mois, j’ai rencontré une femme charmante et nous avons décidé qu’elle s’installerait ici.
JACQUELINE
Quand ?
CHARLES
Aujourd’hui. Elle est là.
JACQUELINE
(toujours sur le même ton) Je serais heureuse de faire sa connaissance.
ERNESTINE
Elle moins.
CHARLES
Écoute, on va dire que tu es... Que tu es ma sœur.
ERNESTINE
Simone ?
JACQUELINE
Tu as une sœur ?
CHARLES
Non ! Enfin si ! Enfin non ! Enfin, on s’en fiche, là n’est pas la question.
JACQUELINE
Si, c’est la question !
CHARLES
(capitulant) Oui, j’ai une sœur, Simone, mais ça fait des lustres que je ne l’ai pas vue. Elle a rompu les liens familiaux le jour de ses dix-huit ans, en partant aux US rejoindre une communauté hippie.
JACQUELINE
Aré Krishna et compagnie ?
CHARLES
Oui. Mes parents n'ont pas du tout apprécié. Ils l'ont immédiatement déshéritée. Depuis, je n'ai plus jamais eu de nouvelles d'elle. Si ça se trouve, elle n’est même plus de ce monde.
JACQUELINE
Je ne vais quand même pas jouer le rôle d’une morte ?
CHARLES
Jacqueline, fais un effort s’il te plaît. Tu vas jouer le rôle de ma sœur… vivante.
JACQUELINE
Mais je n’ai jamais fait de théâtre moi ! Et puis je ne la connais pas, je ne sais même pas comment elle est dans la vie.
CHARLES
On s’en fiche ! Personne ne la connaît. Même moi je ne la connais pas… Ou plus. Si tu veux rester, c'est la seule solution.
JACQUELINE
Alors je veux bien essayer.
(Jacqueline essaie de prendre des attitudes grotesques, changeant de positions, se raclant la gorge et essayant de trouver une voix qui passe des graves aux aigus avec des « Ooooo » et des « Aaaaa ». De temps à autre, elle demande « Comme ça ? » ou « Là c’est mieux non ? ». Les autres la regardent d’un air dépité).
JACQUELINe
Quoi ? Ça ne va pas ? (pleurnichant encore) Je savais que je ne serais pas à la hauteur. Je suis sûr que c’est pour ça que mon Robert m’a quittée !
ERNESTINE
Écoutez, Jacqueline, restez vous-même, ce sera mieux. Personne ne fera le rapprochement entre la fausse Simone et la vraie Simone. D’accord ?
JACQUELINE
(timidement) Oui…